Les mystères de l’abbaye d’Alet-les-Bains

J’adore les ruines, ce n’est plus un secret pour personne, et ce que j’adore par-dessus tout, ce sont les églises en ruines. En déplacement pour le travail dans la Haute-Vallée de l’Aude, j’ai découvert le long de ma route l’existence des vestiges de l’abbaye d’Alet-les-Bains… quelques week-ends plus tard, j’y suis retournée pour la visiter. J’ai découvert que de nombreux mystères entourent cette église, ce qui a encore ajouté à la fascination que j’avais pour ce lieu !

C’est un petit village d’environ 400 habitants, à 40 min de voiture de Carcassonne, un quart d’heures de Limoux (possible en bus SNCF aussi). On est au bord de l’Aude et dans le département de l’Aude.

carte de situation

L’abbaye fait aussi partie du réseau des « Sites Pays Cathare » : un ensemble de 23 sites, principalement dans l’Aude (quelques exceptions dans le Tarn ou l’Ariège voisins), qui « retracent l’histoire et les racines du Pays Cathare ». Ces territoires ont en effet été marqué par la présence du Catharisme au Moyen-âge, un courant religieux, chrétien, prônant des règles de vie très strictes (végétarisme, pauvreté, chasteté) d’où les noms qui leur sont généralement donnés de « Parfaits », de « Bonshommes » et de « Bonnes Femmes ».

Plus d’infos sur le site dédié : https://www.payscathare.org

Du temple grec à la cathédrale… une histoire pas banale !

La présence d’habitants à Alet-les-Bains semble remonter à l’Antiquité. On dit même que l’abbaye aurait été construite, à partir de la fin du Xème siècle, à l’emplacement d’un ancien fanum, un temple dédiée à la déesse Diane.

L’abbaye est édifiée pour accueillir la communauté de moines bénédictins qui vit sous l’égide de l’Abbé Benoît. A la création de l’évêché d’Alet, trois siècles plus tard, cette abbaye devient une cathédrale, et l’on construit alors son chœur gothique.

chapelle d'un choeur gothique en ruine
la dernière chapelle du choeur gothique

C’est par celui-ci qu’on entre, une fois passé la billetterie. S’il ne reste plus qu’une de ses chapelles, le chœur gothique en comptait quatre autres, qui venaient se déployer en arc-de-cercle là où se trouve actuellement la rue et le bâtiment d’accueil. Ce chœur est beaucoup plus vaste que le chœur de l’abbatiale romane, construite avant, et vient l’englober.

La visite se poursuit ensuite dans la nef. Ici encore, les murs ne sont que partiellement debout, et l’église est à ciel ouvert. Ça-et-là, des ornements sculptés ont été épargnés par le temps, et se laissent admirer. Un travail minutieux. On se plaît à imaginer comment était l’édifice, avant d’être détruit ; quelle pouvait être l’ambiance, lorsqu’on avait de lourdes voûtes au-dessus de la tête…

Prenez un petit moment pour chercher les petits détails cachés ici et là, avant de poursuivre vers la salle capitulaire. On y accède par un « couloir » qui était en fait l’un des côtés de l’ancien cloître (le mur sur votre gauche n’existait alors pas). C’était une grande salle où devaient se réunir les moines lorsqu’ils devaient discuter des affaires touchant la communauté, de son organisation matérielle… Une salle capitulaire peut aussi servir de lieu de réception des hôtes de marque.

salle capitulaire de l'abbaye d'Alet-les-Bains
la voûte gothique sur l’ouverture romane

C’est un espace intéressant car on voit assez clairement, et même sans être de fins connaisseurs, les travaux qui ont été faits au 14ème siècle quand l’abbaye romane est devenue cathédrale gothique. Les voûtes gothiques, qu’on reconnaît à leur croisée d’ogives, viennent s’appuyer sur les murs romans sans forcément porter une grande attention à la manière dont ils étaient découpés : ainsi, une des ouvertures de l’époque romane se retrouve quelque peu tronquée…

Une abbaye pleine de mystères

Le petit dépliant distribué à la billetterie nous renseigne sur les nombreux mystères entourant cette abbaye.

Ce sont d’abord ses dimensions qui sont impressionnantes, car celles de l’abbatiale romane sont du même ordre de grandeur que la basilique Saint-Sernin de Toulouse… La tribune, c’est-à-dire le premier étage des bas-côtés, présente elle-aussi des dimensions inhabituelles pour une abbaye rurale, comme en témoignent les grands arcs encore debout.

église à ciel ouvert Alet-les-Bains
de larges ouvertures dans la tribune

Les ornements, dont j’ai déjà parlé, sont l’œuvre de sculpteurs de talent, dont on ne trouve pas trace dans les environs. Il faut aller jusque dans le Gard pour trouver un style similaire, inspiré des décors romains. Cela suggère que l’abbaye possédait un rayonnement particulier et qu’elle était capable d’attirer des artistes de génie ; et/ou que ceux qui la dirigeait avait un pouvoir et des moyens particulièrement étendus.

zoom sur le chapiteau d'une colonne abbayeAlet-les-Bains
les traces de décors d’exception

Une relique de la Sainte-Croix aurait été conservée à Alet-les-Bains depuis 1054, mais cela ne nous dit pas si c’est la véritable raison de la visite du Pape Urbain II à l’abbaye à la fin de ce même siècle, après s’être rendu justement à Saint-Sernin à Toulouse… Car il fallait sans doute une excellente raison pour qu’un souverain pontife s’engage sur les chemins peu sûrs et peu praticables de la Haute-Vallée de l’Aude pour se rendre dans une église encore très largement en chantier !

détail architectural de l'abbaye d'Alet
s’amuser à rechercher les petits détails

Tout porte à croire que cette abbaye avait une aura particulièrement grande, revêtait un important intérêt pour le monde religieux et artistique de l’époque, dont on ne saisit peut-être pas pleinement – ou pas encore – tous les contours aujourd’hui ! Des mystères qui ajoutent encore à la fascination que provoque ce lieu, enchanteur, protégé entre deux versants des collines audoises, entre Corbières et Pyrénées… On se sent tout petit, et très humble, au milieu de ses murs sentinelles qui nous entourent et qui ont sans doute été témoins de tant d’événements !

L’abbaye a notamment été détruite pendant les guerres de religion, opposant catholiques et protestants, au XVIème siècle.

Un petit tour dans le village

Ne pensez pas avoir tout vu en sortant de cette visite de l’abbaye d’Alet-les-Bains. Le village mérite qu’on s’y attarde, car il ne compte pas moins de 21 maisons inscrites ou classées au titre des Monuments Historiques.

Promenez-vous dans les ruelles en levant les yeux sur les belles maisons qui les entourent. Vous arriverez tôt ou tard sur la placette centrale – la Place de la République – musée d’architecture à ciel ouvert, avec ses encorbellements (quand les étages s’avancent sur la rue), ses maisons à colombages (ou pans de bois) ou encore les rez-de-chaussée protégés par des arcades, un peu comme ces villes du nord de l’Italie.

Sachez aussi que le village a longtemps été fortifié et l’on y entrait par deux portes, encore visibles aujourd’hui, la Porte Cadène et la Porte Calvière.

Enfin, Alet-les-Bains ne s’appelle pas ainsi pour rien. Elle fut au XXème siècle une petite cité thermale, qui accueillait des curistes. Son eau est réputée bénéfique pour les maladies digestives. Aujourd’hui, on peut toujours venir remplir ses bouteilles au lavoir, un peu à l’écart au nord du village, où coule une eau minérale non reconnue potable mais que les Audois comme les vacanciers ont l’air de boire sans s’inquiéter ! Juste à côté, la piscine construite dans les années 50 est alimentée par une résurgence d’eau naturellement tiède (24 degrés !). Elle est toujours ouverte l’été… à bon entendeur !

lavoir d'Alet-les-Bains avec charpente métallique
le lavoir d’Alet-les-Bains

Conclusion

L’abbaye d’Alet-les-Bains, avec ses ruines et ses mystères, m’avait enchanté et j’avais tout de suite pensé que cette visite du dimanche se transformerait en un petit article de blog. C’est chose faite !

Je vous invite vivement à y faire un tour et à en profiter pour découvrir tous les autres sites incroyables que l’Aude a en réserve… notamment les Citadelles du Vertige qui candidatent à l’UNESCO et l’ensemble des Sites Pays Cathare !


Cet article est écrit dans le cadre du rendez-vous mensuel En France Aussi (https://enfranceaussi.fr). Le thème du mois de mars était « Ruines, vestiges, sites archéologiques », piloté par Madeleine.

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6 réponses à « Les mystères de l’abbaye d’Alet-les-Bains »

  1. ces ruines restent très impressionnantes ! Bel endroit !

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  2. Super joli et quelle belle histoire ! Les maisons du village sont également très sympas et boire de l’eau thermale librement, c’est cool aussi ! 🙂

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  3. Quelle découverte passionnante ! Superbe, ce site ! 👍

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    1. Oui, j’aurais aimé que mes photos rendent encore plus grâce à ce site d’ailleurs, qui dégage vraiment quelque chose de particulier !

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  4. Je suis archi fan comme toi des abbayes, qu’elles soient en ruines ou bien conservées ! Merci d’avoir mis en lumière celle-ci peu connue mais charmante !

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    1. De rien 🙂 c’est vrai que c’est un lieu très charmant, j’étais très contente de découvrir cette pépite !!

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