Si je ne devais retenir qu’un lieu coup de cœur dans les Pyrénées-Orientales, ce serait sans hésiter Prats-de-Mollo-la-Preste ! Un charmant village fortifié à deux pas de la frontière espagnole, un bastion de la Catalanité, un trait d’union entre Catalogne nord et sud ! Un « petit point » par excellence, parfait pour le rendez-vous En France Aussi du mois de mai, dédié aux « coins perdus qui méritent le détour » !
Depuis Perpignan, il faut mettre le cap au sud pour se rendre à Prats-de-Mollo-la-Preste (réunion du village de Prats-de-Mollo et du hameau de la Preste). Passée la jolie ville de Céret, on suit la route départementale 115 qui s’enfonce, petit à petit, dans les forêts du Haut-Vallespir et prend de l’altitude en suivant les lacets de la montagne.
Au bout du chemin, on débouche sur Prats-de-Mollo. L’entrée dans le village, avec ses maisons à deux ou trois étages de part et d’autre de la rue principale, nous laisse entendre que ce fut autrefois un bourg prospère et animé… On ne découvre le village fortifié que dans un second temps, arrivés à la place du Foiral.
Descendez du bus ou garez votre voiture après le pont franchissant le Tech. La visite se fait à pied, soyez bien chaussé(e)s… et laissez-vous cueillir par ce « plus beau village de France » qui ne vous laissera sûrement pas indifférent(e)s.
Un village petit par la taille, mais grand par l’Histoire
Une cité prospère sous la couronne d’Aragon
Une première colonie agricole fut fondée par des moines à Prats-de-Mollo, autour de son église, à la fin du 10ème siècle. Au bord du Tech, le site apparaît propice pour s’installer.
Sous la couronne d’Aragon au Moyen-âge, Prats-de-Mollo est une ville royale. Ses habitants disposent de privilèges comme la suppression de certains impôts et la liberté à de nouveaux habitants de s’installer dans la ville.
De premières fortifications sont construites au 14ème siècle. Jusqu’en 17ème siècle, la cité prospère grâce à la fabrication et au commerce des draps. Ce sont aussi les Bains de la Preste, bien que peu aménagés, qui attire du monde dans cette haute-vallée. Les eaux sont réputées soigner la lèpre et autres maladies de la peau.
En 1659 est signé le traité des Pyrénées, qui rattache les Pyrénées-Orientales à la France. La frontière se déploie donc aux portes de Prats-de-Mollo, enclavant la commune et ses environs, jusque-là tourné vers le sud.
Les caprices de Louis XIV et de Napoléon
Les habitants ne sont pas ravis de ce nouveau rattachement, surtout lorsque Louis XIV rétablit la gabelle (impôt sur le sel) que les Pratéens ne payaient plus depuis 4 siècles… des soulèvements anti-français ont alors lieu.
Devenu lieu stratégique par sa proximité avec la frontière espagnole, on décide de construire un fort en hauteur pour contrôler la Vallée du Tech. Sous l’égide de Vauban, la construction du fort Lagarde démarre à la fin du 17ème siècle.
Ensuite, c’est Napoléon qui viendra mettre son petit grain de sel par ici… il souhaite se rendre aux thermes de la Preste et ordonne la construction d’une route entre Prats-de-Mollo et La Preste. Malheureusement, il n’aura jamais l’occasion de venir s’y baigner ! On construira plus tard une ligne de chemin de fer entre Arles-sur-Tech et La Preste pour acheminer les curistes, mais qui ne fonctionnera que durant quelques décennies.
Une petite cité catalane ?
En 1926, c’est depuis Prats-de-Mollo que le général Francesc Macià, indépendantiste catalan, tente de lancer une invasion armée contre le gouvernement de Miguel Primo de Rivera, dans le but de libérer la Catalogne, mais son plan sera déjoué et il sera arrêté.
Au début de l’année 1939, la commune est un point d’arrivée des réfugiés espagnols fuyant le régime de Franco – ce qu’on appelle la « Retirada » (prononcez Retirade) et dont je vous ai parlé dans cet article l’an dernier.
Prats-de-Mollo reste liée à son identité catalane. Elle se situe d’ailleurs au cœur du premier Pays d’Art et d’Histoire transfrontalier, le PAHT des Vallées Catalanes, et accueille son Centre d’interprétation dont je vous parlerai un peu plus loin.
Que voir à Prats-de-Mollo ?
Une ville fortifiée
Comptant parmi « Les Plus Beaux Villages de France » depuis 2023, Prats-de-Mollo est avant tout une petite ville fortifiée à parcourir à pied. Plusieurs portes entourent sa ville haute et sa ville basse, et c’est généralement par la Porte de France que l’on pénètre dans l’enceinte.
C’est dans la ville basse que l’on trouve les principaux commerces du village – notamment plusieurs bars et restaurants, une librairie, quelques boutiques, témoignant de la petite renommée touristique dont jouit le village. Sur la place Josep de la Trinxera, on peut admirer la jolie façade de la mairie avec son cadran solaire.
Dans une rue parallèle, se cache une jolie chapelle dédiée aux Saintes Juste et Ruffine, avec son portail peint. Elle mérite une rapide visite, mais l’église principale, dédiée aux mêmes saintes, se situe quant à elle à flanc de montagne et surplombe la ville basse. Sobre malgré son retable fastueux, doré, qui habille le chœur, elle est entourée d’une place et d’un parc, deux terrasses dans les remparts. On est ici à proximité d’une autre porte de sortie de la ville, qui mène au Fort Lagarde dont je vous parlerai un peu plus loin.
La jonction entre la ville haute et la ville basse se fait au niveau de la Porte d’Espagne, aussi dit « Portal de la Cavalleria », ancienne entrée principale de la ville. De là, on peut aussi suivre le chemin de ronde (avec un parc et des jeunes pour enfants) pour revenir à la Porte de France. Sinon, la ville haute vous tend les bras ! Il faut passer sous le Portal del Rector, plus ancienne porte de la ville, et puis, suivre votre instinct et vous perdre dans les rues résidentielles de cette partie du village. Des placettes fleuries, comme la Plaça de la Vila d’Amunt ou la Placeta del Rei, ponctuent la balade, jusqu’à une dernière porte, le Portal del Verger.
Le Fort Lagarde
Depuis la Porte de la Fabrique, à proximité de l’église principale, deux voies s’offrent à vous pour rejoindre le Fort.
La première est un chemin couvert, en partie souterrain et en partie construit, qui servait à relier le village et le château en toute sécurité. Ça monte assez raide par endroit et c’est assez sombre. Les claustrophobes préféreront la seconde option : un chemin à ciel ouvert, en zig zag dans la colline, pour une montée plus douce où l’on découvre, petit à petit, la cité fortifiée à nos pieds.
A la fin du 17ème siècle, quand le traité des Pyrénées fixe la frontière franco-espagnole à quelques encablures de là, Prats-de-Mollo devient une ville frontalière stratégique et ses défenses doivent être renforcées. Un premier donjon sera construit à l’emplacement d’une ancienne tour à signaux, puis sera progressivement développé pendant deux siècles, notamment sur le modèle des fortifications bastionnés chères à Vauban.
Aujourd’hui, le fort se visite, notamment pendant les week-ends d’été. On peut visiter les pièces qui ont abrité les fonctions défensives du château et la vie quotidienne des troupes militaires.
Le Centre d’Interprétation de l’Architecture et du Patrimoine
Prats-de-Mollo-la-Preste fait partie du premier Pays d’Art et d’Histoire transfrontalier, le PAHT des Vallées Catalanes. Un territoire qui s’engage à promouvoir son patrimoine matériel et immatériel, liant les deux côtés de la frontière qui partage une même culture catalane.
Dans l’ancien site industriel de la Bernède (« la Verneda » en català), le Centre d’interprétation a ouvert ses portes à l’été 2022 et constitue une très belle entrée en matière avant d’aller vadrouiller dans le vaste territoire du Pays d’Art et d’Histoire. Après une vidéo introductive qui présente les 44 communes, on passe à la salle principale du musée, avec ses tables à tiroirs et ses panneaux interactifs, qui présentent l’histoire des vallées catalanes, ses traditions agricoles, constructives, artisanales, industrielles, mais aussi ses problématiques actuelles.
Selon la période de votre visite, il y a aussi des expositions temporaires. J’ai ainsi eu la chance de voir une série de sublimes photos de Nelly Monnier et Eric Tabuchi, prises sur le territoire, et une autre sur la Retirada avec des dessins de Josep Bartoli.
Prolonger la visite à Prats-de-Mollo…
S’il vous reste un peu de temps, vous serez peut-être tenté(e)s par un petit plongeon dans la piscine municipale, devant laquelle vous passerez forcément pour vous rendre à la Verneda ! Il y a aussi de chouettes randonnées à faire, au départ de Prats-de-Mollo ou de la Preste, mais que je n’ai pas encore tentées.
Vivre la Fête de l’Ours à Prats-de-Mollo
Une tradition encore bien vive perdure dans les monts du Haut-Vallespir. Au mois de février, trois villages organisent les fêtes de l’Ours : Arles-sur-Tech, Saint-Laurent-de-Cerdans, et bien sûr, Prats-de-Mollo !
J’ai embarqué deux collègues dans ma petite voiture rouge et nous sommes allés vivre cette expérience. C’était une journée fraîche mais ensoleillée. Le dresscode pour la fête de l’Ours ? Mettez des vêtements que vous n’avez pas peur de salir… Je vous explique pourquoi !
La légende raconte qu’un ours avait enlevé une jeune bergère. Alors, les chasseurs du village sont partis à sa recherche. Ayant capturé l’ours, ils le ramenèrent au village où l’animal fut tondu pour reprendre une forme humaine et civilisée.
La fête de l’Ours de Prats-de-Mollo est une représentation vivante et participative de cette histoire. Dès l’arrivée au village, nous avons remarqué des habitants habillés en chasseurs et des jeunes filles toutes coiffées de la même manière avec des tresses et un même costume de bergère. En début d’après-midi, au Fort Lagarde, trois hommes sont déguisés en ours sous les yeux des visiteurs. Un habit de peau de mouton, une grande coiffe du même matériau, puis, leurs visages et leurs bras nus sont recouverts d’un mélange de suie et d’huile. Les bergères commencent à descendre vers le village, les ours les suivent et enfin les chasseurs, accompagnés de la foule venue assister à la fête.
Tout en descendant vers le village, les ours tentent d’attraper les jeunes femmes dans la foule et de marquer leur visage de suie – d’où la nécessité de ne pas mettre vos plus beaux vêtements… Attention, un ours qui vous attrape, ça peut être un peu violent et vous vous retrouvez à terre en moins de temps qu’il ne faut pour le dire !
Les ours font aussi des « combats » fictifs avec des chasseurs qui les défient le long du chemin – ils se lancent un bâton puis, lorsque celui-ci tombe à terre, s’attrapent et se font tomber également.
Les bergères, les ours et les chasseurs passent dans les différentes rues du village avant d’arriver sur la place du Foiral. Là, les ours sont attrapés et attachés. Des hommes en blanc viennent alors symboliquement les tondre – ici, enlever leurs vêtements de peau de bête – et c’est la liesse collective quand le village est enfin délivré des ours, redevenus des humains !
Conclusion
J’ai connu Prats-de-Mollo-la-Preste dans le cadre de mon travail et ce fut une belle découverte. Un beau village patrimonial, où l’on peut passer toute une journée sans s’ennuyer, dans un cadre paysager incroyable.
Prats-de-Mollo est en effet nichée entre plusieurs sommets. Dernier village avant la frontière espagnole, on y respire un air de bout du monde, avec un petit côté dépaysant. Je m’y prendrais bien une résidence secondaire, pour m’échapper dans cet écrin hors du monde le temps des week-ends… Pas vous ?
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Cet article est écrit dans le cadre du rendez-vous mensuel En France Aussi. Le thème du mois de mars était « Coin perdu qui vaut le détour » et c’est moi qui le chapeaute ! Voici la carte des autres contributions :
Sources mobilisées (notamment pour la partie historique) :
https://www.mairie-pratsdemollolapreste.com/decouvrir/histoire/
https://www.pratsdemollolapreste.com/patrimoine/le-fort-lagarde/
https://www.ca.wikipedia.org/wiki/Fets_de_Prats_de_Moll%C3%B3
https://www.pratsdemollolapreste.com/wp-content/uploads/2018/09/rando18.pdf
Quelques-unes de mes autres contributions au rendez-vous En France Aussi :
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the tiny points 
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