On continue le voyage en Italie ? Je vous rappelle le principe : en décembre, j’ai décidé de publier chaque vendredi (avant Noël) un article qui relate un de mes souvenirs d’Italie, des lieux découverts au gré de mes recherches en Italie, et qui m’ont laissé un souvenir indélébile. Aujourd’hui, direction un petit hameau pas comme les autres dans les Pouilles, loin des clichés des petits bourgs médiévaux qui jalonnent les collines italiennes…
Un village du XXe siècle
Borgo Segezia est un village qui attisait ma curiosité depuis un moment… Je ne sais plus où est ce que j’en avais entendu parler, j’avais probablement vu quelques photos de son clocher moderne. Je l’avais googlisé, je m’étais promenée dans ses quelques rues sur Maps, mais j’avais hâte de le découvrir en vrai. Ce jour-là, en planifiant ma route pour le Gargano et Vignanotica, j’ai vu que ce n’était pas très loin de mon chemin, alors sans hésiter, j’ai fait un petit crochet.

Borgo Segezia fait partie de ces villes et villages de fondation fasciste. Mussolini a porté une vaste réforme agricole qui a conduit à l’assainissement de nombreuses terres marécageuses pour les rendre arables, et à la construction ex nihilo de petites villes, au milieu de ces terres, pour accueillir les familles d’agriculteurs. J’invite les curieux à aller voir sur Google les plans si particuliers d’Arborea en Sardaigne ou encore les champs tracés au cordeau près d’Avezzano, qui traduisent bien ce type d’intervention.
Borgo Segezia naît dans ce contexte, en 1938. On dirait un petit morceau de ville posé au milieu des champs, un peu par hasard… comme un petit bout d’une maquette qu’on aurait oublié là… mais un petit bout de maquette habité tout de même ! On doit ce projet à l’architecte Concetto Petrucci, qui a travaillé sur différentes villes de fondation.
Un lieu à explorer
Je me gare sur la grande place centrale (c’est plutôt une sorte de grand carrefour routier/parking), sous des arbres encore bien feuillus en cette fin d’été. Ils masquent d’ailleurs beaucoup les façades des bâtiments publics entourant la place, je suis un peu frustrée de ne pas pouvoir bien les prendre en photo.

Je me promène dans les quelques rues. Ce n’est pas particulièrement beau… On sent que les lieux ont été pensés avant tout pour être fonctionnels, rationalisés au maximum. Les maisons et petits immeubles d’habitation sont des cubes, avec des fenêtres standard. Le béton et le crépis sont vieillissants. Ici ou là, on a tenté de repeindre, mais ce n’est pas tout à fait la bonne couleur. Les rues assez larges s’arrêtent en cul de sac dans les champs. Borgo Segezia était sans doute pensé comme un début, une première pièce du puzzle, qui resta finalement seule au milieu de la table de jeu !

seul le rectangle central a été réalisé

Les bâtiments publics ont bénéficié de plus de soin, à commencer par la très belle église dédiée à Notre-Dame de Fatima. Je n’ai pas pu entrer à l’intérieur. Son clocher (campanile), posé à plusieurs mètres de l’église, est haut et élancé, il donne presque le vertige. C’est d’un blanc éclatant, tout comme la façade de l’église, ornée de nombreuses petites céramiques de Vietri sul Mare. Un petit chef d’œuvre méconnu, au milieu de cette vaste plaine – il Tavoliere delle Puglie.

Les autres bâtiments entourant la place portent bien la marque de l’architecture fasciste. Une architecture rationnelle, moderne, avec des édifices monumentaux donnant l’impression au citoyen d’être tout petit ; tout en s’inspirant de la Rome antique, à coup de colonnes et de frontons portant des inscriptions en latin. Le bâtiment en briques en face de l’église s’inspire clairement du Colisée, avec ses trois rangées d’arcades superposées ; l’entrée du bâtiment voisin est imposante, un brin monumentale, avec une scène de guerre représentée « à l’ancienne » au-dessus de la porte.


Le bar du village et les vecchietti sur leurs bancs
Il y a quand même un bar sur la place, seul endroit où je vois un peu de vie. Les toilettes sont hors service, je prends quand même un petit café. Je me sens un peu comme une intruse. Il ne doit pas y avoir souvent des personnes étrangères au village qui s’arrête ici. J’ai un peu l’habitude à force de visiter des endroits perdus, mais je ne m’attarde pas. La patronne du bar s’affaire, elle discute avec les habitués. Dehors, sur un banc, quelques hommes, retraités, papotent et m’interpellent. Ils m’ont vu prendre des photos. Ils me demandent si c’est pour un reportage, s’ils vont passer à la télé. J’explique que je suis simplement architecte et que j’étais curieuse de découvrir leur village.
Ça fait sens pour eux, ils me disent qu’ils se rappellent un architecte qui était venu aussi, une autre fois. Je les salue en rigolant. Je regarde une dernière fois ce majestueux clocher et je regagne ma voiture… vers de nouvelles aventures !

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