Quand j’ai décidé d’aller dans le sud-ouest de la France cet été, une de mes top priorités était de visiter des bastides. Ce sont des villes nouvelles du Moyen-Âge, avec un plan généralement en damier. Vues du ciel (merci Google Maps !), elles sont fascinantes. Je voulais donc aller battre leurs pavés et explorer leurs ruelles. Mes quelques jours passés dans le Gers ont été l’occasion de réaliser ce projet !
Si en Provence « bastide » est plutôt synonyme de maison de campagne, en Occitanie c’est une tout autre histoire. Au 13e et 14e siècle, les Français et les Anglais se partagent le sud ouest et cherchent à développer, l’un comme l’autre, ce territoire peu peuplé jusqu’ici. Ils vont alors inventer le système des bastides, des villes nouvelles avec leur « charte de coutume » et leur plan d’urbanisme – une véritable innovation à l’époque.

Les bastides sont parfois créées de toutes pièces, ou alors elles s’implantent sur de petits bourgs existants. Leur plan est généralement en damier, mais il y a des exceptions ! Dans tous les cas, leur développement n’est pas anarchique. Les parcelles sont tracées puis confiées (via un bail) aux paysans qui doivent y édifier leur maison et cultiver les terres. Afin d’attirer les habitants dans ces villes (car c’est le but !), la « charte de coutumes » définit des devoirs mais aussi des droits ou privilèges dont les paysans bénéficient s’ils choisissent de s’installer dans telle bastide plutôt qu’une autre. Le marketing territorial avant l’heure !
Pour approfondir un peu l’historique et le concept des bastides, je vous conseille ces deux sites : ici et là.

Le point historique étant fait, partons maintenant à la découverte des bastides du Gers !
1. COLOGNE – la parfaite entrée en matière
Attention lorsque vous enclencherez le GPS, vérifiez bien que celui-ci ne vous envoie pas en Allemagne ! Nous sommes ici à moins d’une heure de Toulouse, dans l’est donc du département du Gers et Cologne est un peu un cas d’école, un exemple-type de la bastide médiévale.

Il y a normalement un Centre d’Interprétation des Bastides (que je me faisais une joie de découvrir pour tout savoir de ce modèle d’urbanisme fascinant !) mais il est actuellement en cours de déménagement, pour une durée indéterminée. N’hésitez pas toutefois à pousser la porte de l’Office du Tourisme, j’y ai reçu un accueil très chaleureux et l’employée a su épancher (en partie) ma soif de connaissance sur le sujet des bastides ! J’y ai trouvé, aussi, un petit plan du village avec des numéros indiquant les bâtiments remarquables et leurs panneaux d’information.

Même sans centre d’interprétation, Cologne reste une bonne entrée en matière. On trouve d’abord un plan typique en damier avec, au centre, une grande place accueillant une halle. Les bâtiments entourant la place ont, au rez-de-chaussée, des arcades permettant de circuler à l’abri. Les maisons à colombages sont toutes différentes mais il règne une certaine harmonie, témoignant d’un respect des règles d’urbanisme au fil du temps, et encore aujourd’hui !

L’église est à l’écart, dans une rue à quelques encablures de la place centrale. Si l’on poursuit par le « Chemin de ronde », on arrive très vite en dehors du centre urbain, délimité par des bassins au nord – des sortes de douves, qui témoignent d’une vocation également défensive de la bastide dans le sud-ouest. On comprend aussi, par l’un des panneaux explicatifs, que chacune des rues qui sortaient du centre urbain, était fermée par une porte. Il n’en reste toutefois aucune à Cologne.
2. FLEURANCE et sa halle-mairie
Dirigeons-nous vers Fleurance. Toujours côté Est du département, le nom de cette ville est inspiré de la ville de Florence. Certaines bastides ont reçu le nom de villes florissantes du Moyen-Âge, dans l’espoir que cela leur serait de bon augure et qu’elles seraient aussi prospères. C’était aussi le cas de Cologne !
Au gré de vos déplacements dans le Gers, vous traverserez peut-être Pavie, Plaisance, Barcelonne-du-Gers, Valence-sur-Baïse…
Mais revenons à Fleurance !

J’ai posé ma voiture dans un parking et ai cherché, au gré des angles droits des rues, à rejoindre la place centrale. Celle-ci est occupée par une halle carrée qui accueille en fait la mairie ! Le rez-de-chaussée est composé d’arcades, on peut y déambuler et apercevoir la très belle charpente de la halle. Au 1er étage, les bureaux de la mairie sont disposés autour d’une grande coursive carrée, donnant directement sur la place en rez-de-chaussée. En levant la tête, vous apercevrez peut-être quelques fonctionnaires, dossiers sous le bras, qui empruntent la coursive pour regagner leur bureau.


L’église est ici à proximité de la place centrale, contrairement à Cologne. Dédiée à Saint-Laurent, elle présente un aspect plutôt sobre, avec toutefois un beau clocher hexagonal.
Enfin, il est très agréable de prendre le repas en terrasse, sous les voûtes entourant la place centrale. Je me suis arrêtée au Chantpie, cuisine simple et efficace. En revanche, vous serez aux premières loges pour entendre la sirène si c’est le jour de test !
3. LECTOURE sur le chemin de Compostelle
Je vous ai parlé brièvement de Lectoure car il s’agit d’un des Plus Beaux Détours de France. Il y a de quoi passer une long moment dans cette bastide perchée sur une colline. Au départ de l’Office du Tourisme, un parcours vous permettra de découvrir la ville en 22 étapes et vous pourrez ainsi prendre la mesure de son important patrimoine.

Tours, hôtels particuliers, fontaines, patrimoine religieux, il y en a pour tous les goûts On trouve même un village de brocanteurs installés dans un ancien hôpital, qui avait lui même pris place sur les fondations d’un château disparu. De quoi chiner quelques souvenirs à rapporter à la maison !
A l’arrière de cet ancien hôpital, depuis les jardins de l’ancien évêché ou encore au bout des carrelots, ces petites rues étroites qui descendent de la rue principale, on peut aussi admirer le paysage gersois qui s’étend à perte de vue. En cette fin du mois d’août caniculaire, c’étaient de grands champs de céréales roussis par le soleil et ponctués de forêts vert foncé.



Lectoure est aussi une ville de culture. Sa halle aux grains, le long de la Rue Nationale, a été réhabilitée et accueille des expositions, tout comme le Centre d’Art et de Photographie installé dans la Maison de Saint-Louis, que l’on trouve en quittant la bastide en direction de l’Est. Enfin, il n’est pas rare ici de croiser des pèlerins car nous sommes sur le chemin de Compostelle.
Côté gastronomie (car je sais que c’est ça qui vous intéresse !!), Lectoure est aussi la capitale du melon… eh oui ! Il n’y a pas que Cavaillon !!!
4. BARRAN – LA médiévalE
Barran se situe à une dizaine de kilomètres d’Auch. En arrivant depuis le chef-lieu du département, on se retrouve face à une imposante tour-porche, qui monte la garde à l’entrée du village. De part et d’autre, des douves, avec de l’eau, qui nous plongent tout de suite dans l’ambiance médiévale. On se sent un peu comme dans un remake de Game of Thrones, où l’on arriverait à cheval demander alliance au seigneur local sans vraiment savoir l’accueil qu’il va nous réserver…

On passe ensuite sous la porte en arc brisé et petit bonheur, il est possible de monter à l’étage de la tour pour observer le village d’en haut. C’était un matin d’été, le lendemain de la fête villageoise… tout était très calme ! La rue rectiligne s’étendait sous mes pieds et comme à Cologne, on devine que l’église n’occupe pas le centre de la place, mais se trouve excentrée au nord.

Lorsqu’on fait le tour de Barran, à pied ou en voiture, on ne voit rien du village, on devine à peine qu’il existe, car il est entouré d’une ceinture verte (arbres et bosquets) qui le protège sur les côtés où il n’est pas entouré d’eau. Cela lui donne une image de petite ville bien gardée, repliée sur elle-même, assez différente des bastides jusque là traversées. Ce qui lui donne toute sa place dans cet itinéraire !

A l’intérieur, on retrouve une place de belles dimensions, typique des bastides du sud-ouest avec ses arcades tout autour, et une petite halle de bois et de pierre.
5. FOURCÈS – la bastide circulaire
Voici enfin l’exception qui confirme la règle… toutes les bastides ne sont pas quadrillées et sur un plan rectangulaire. Fourcès est une mini-bastide au plan parfaitement circulaire, je vous laisse constater cela par vous-même :

C’est un vrai casse-tête, en revanche, pour prendre des photos qui rendent compte de la circularité du plan… Au centre se trouve une place qui est plutôt un parc, puisqu’elle est très richement arborée. Un petit camping-car de l’Office de Tourisme est installé au milieu et renseigne les visiteurs, quand d’autres à proximité jouent à la pétanque. Tout autour, sous les traditionnelles arcades en rez-de-chaussée des maisons, les artisans étalent leurs créations.


A l’épicerie « Au cabas gascon », les riverains viennent acheter leur pain tandis que les camping-caristes, installés dans l’aire de stationnement à proximité de la bastide, viennent chercher un bon café. Sur les étals, vous trouverez aussi de l’Armagnac ou du Floc de Gascogne à rapporter à vos amis !
Enfin, comme à Barran, on peut admirer à Fourcès une belle tour-porche. On ne peut pas grimper à l’étage, malheureusement, mais elle est très jolie, au fond d’une petite ruelle et donnant sur un parc à l’arrière de la bastide.
La suite ?
L’itinéraire-découverte des bastides du Gers s’achève ici, mais s’il vous reste encore du temps et de l’énergie, je suis sûre que vous trouverez d’autres beaux villages et d’autres passionnantes excursions à faire dans le département !

Si cette immersion dans quelques bastides vous a conquis, alors repoussez les frontières du Gers et partez vers le Tarn-et-Garonne, le Lot-et-Garonne, l’Aveyron, la Haute-Garonne (etc.) où vous trouverez de quoi parfaire vos connaissances sur ce modèle d’urbanisme encore inspirant de nos jours et ravir vos yeux de belles pierres et de ruelles étroites !
De mon côté, je suis ouverte à toutes vos suggestions d’autres bastides à explorer lors de mes prochaines escapades dans le sud-ouest !!
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