Mes premières impressions sur ce petit coin de Lorraine.
Après ma thèse, j’avais envie de partir travailler ailleurs. J’avais envie de m’installer dans un endroit que je ne connaissais pas et d’avoir la chance d’apprendre à le connaître, comme j’avais fait avec l’Irpinia quelques années plus tôt. A grands coups de CV envoyés aux quatre coins de l’Hexagone, voilà qu’un beau jour de novembre, on m’annonce que je suis embauchée à Ligny-en-Barrois. Je ne vais pas vous mentir, le mois de décembre a été pleins de remises en question : « Ok, Lucie, c’était sympa de se projeter dans n’importe quel coin perdu de France, mais cette fois, c’est pour de vrai, tu pars t’installer dans la Meuse le mois prochain ! » Quitter mes amis et mes habitudes grenobloises, ce n’était pas une mince affaire. Mais après 3 mois en Lorraine, je peux vous le dire, je ne regrette rien !
La Meuse, pour une nuit ou pour la vie ?
Non, je ne vous sortirai pas le trop-connu discours (que j’exècre, soyons clairs) sur le « venez tous vivre à la campagne, c’est super, on peut cultiver nos fruits et légumes et vivre dans la fraternité ». Je crois que toutes les villes et toutes les campagnes ont leurs qualités et leurs défauts : c’est à chacun de trouver l’endroit dans lequel il se sent suffisamment bien pour décider d’y poser ses valises (et ses cartons).
Je vous dirai seulement de ne pas « boycotter » la Meuse à cause de futiles a priori. Et pour combattre les préjugés, je vous propose un petit tour d’horizons des choses que j’apprécie déjà dans mon nouveau département !

La Meuse et ses champs à perte de vue
La Meuse, c’est très vert, mais ça, ce n’est sans doute pas une grande découverte pour vous ! J’ajouterais quand même que c’est particulièrement verdoyant, un beau vert saturé qui vous renseigne au premier coup d’œil sur les taux de pluie élevés du département (haha). Mais ça a bien sûr son charme, et comme les villages sont plutôt compacts et peu étalés, on se retrouve souvent au détour des chemins avec des champs à perte de vue sans aucune trace de l’activité humaine – ça, c’est quand même assez rare pour être mentionné !
Le jour où je suis venue passer mon entretien à Ligny-en-Barrois, mon GPS m’a fait prendre des raccourcis à travers les petites routes de campagne. Je suis alors arrivée – émerveillée – aux abords de ce qui m’a fait penser à une masseria sud-italienne, et qui était en fait une ancienne abbaye : l’Abbaye de Jovilliers. Je l’ai vu un peu comme un « signe du destin » qui m’indiquait que mon avenir était peut-être bien en Meuse ! Je me suis arrêtée et je l’ai prise en photo.


L’Abbaye de Jovilliers est un ensemble religieux qui a été édifié au XIIe siècle et reconstruit au XVIIIe siècle. Ont été conservées plusieurs salles, des caves voûtées et un petit jardin, en plus des deux imposantes tours à l’entrée. Des visites sont organisées le premier dimanche des mois de juillet et août.
J’ai découvert par la suite que cette abbaye n’était pas un cas isolé… Il y a d’autres monuments bien cachés qu’on ne découvre que si on a l’audace de s’engager dans les petits chemins de traverse.

Évidemment, ces grandes étendues de champs et de forêts sont propices aux balades et aux randonnées, à pied ou à vélo. Le Canal de la Marne au Rhin, la Meuse à vélo, sont notamment deux parcours cyclables que j’espère expérimenter très bientôt. Côté marche, ma première mini-randonnée m’a emmenée entre canal, forêt et clairière, avec comme point culminant un large belvédère, et une arrivée dans le charmant village lorrain de Tannois.
Il faut aussi que je vous parle de « Vent des Forêts », musée d’art contemporain à ciel ouvert qui vient s’enrichir chaque année de nouvelles œuvres d’art plus ou moins abstraites et engagées. Situé dans la forêt entre Dompcevrin, Fresnes-aux-Monts, Pierrefitte-sur-Aire et Lahaymeix, 7 parcours (de 3 à 14km) permettent de randonner tout en s’accordant des pauses pour observer les œuvres en chemin.


Après une première tentative au début du mois de mars, écourtée pour cause d’une tempête de pluie et de vent, j’ai pu y retourner en fin de mois, et parcourir le « Circuit des Trois Fontaines ». La durée indiquée était de 2h30, et mon application Strava m’a effectivement confirmée que j’avais marché pendant 2h31 précisément. En vrai, j’ai mis une bonne vingtaine de minutes en plus car – ceux qui ont déjà voyagé avec moi le savent – je m’arrête souvent faire des photos ! J’ai beaucoup aimé le caractère à la fois graphique (des couleurs, des matières) des œuvres rencontrées en chemin, et le côté engagée de certaines. Coup de cœur pour l’œuvre intitulée l’Exode de Joël Thépault (2002), qui met en scène des voitures à demi enfouies dans la forêt, chargée de fausses valises sur le toit, afin de symboliser l’exode des meusiens pendant la première guerre mondiale – et hommage à tous les civils qui, encore aujourd’hui, doivent fuir précipitamment leurs villes pour échapper aux guerres.

L’artiste et designer Matali Crasset a également construit plusieurs petites cabanes en forêt dont certaines (la Noisette et le Nichoir) sont ouvertes à la location pour ceux qui voudraient prolonger l’immersion !
—> pour plus d’infos sur Vent des Forêts (les oeuvres, les hébergements, les parcours), cliquer ici !
On peut aussi se balader au bord du lac de Madine, dans le Parc Naturel Régional de Lorraine. J’y suis allée un jour venteux et les bateaux au port tanguaient sur place tout en faisant de la musique. Si, si, je vous assure : un mélange de petits cliquetis et autres « ding dong » comme ces carillons à vent que les gens mettent parfois sur leurs terrasses et qui s’animent avec le vent. J’ai hâte d’y revenir avec le soleil et de pouvoir m’y baigner pour échapper à la chaleur !

La Meuse et ses surprenantes architectures
Si je m’attendais à poser mes valises dans un écrin de verdure, j’ai été complètement (et très agréablement) surprise de découvrir l’important patrimoine architectural meusien. La Renaissance et ensuite l’essor de l’industrie ont été deux âges d’or de la Lorraine, qui ont légué de très beaux édifices, religieux ou profanes.
La Ville Haute de Bar-le-Duc
Au XVIe siècle, il faut imaginer la Lorraine comme un foyer culturel où se développaient les grands courants artistiques et architecturaux de l’époque. Malgré une première guerre mondiale particulièrement dévastatrice pour la Meuse, il reste encore un beau patrimoine Renaissance à découvrir.


L’office de tourisme de Bar-le-Duc propose un itinéraire à la découverte de la ville, qui permet de découvrir les multiples facettes de ce minuscule chef-lieu de département (seulement 15 000 habitants !). La Ville Haute de Bar-le-Duc est considérée comme le Quartier Renaissance. J’aime particulièrement la place Saint-Pierre et son église Saint-Etienne (malheureusement fermée à chaque fois que j’y suis passée) bordées de belles façades en pierre restaurées ou à colombages (pans de bois). Plus surprenant, il y a là aussi une maison d’arrêt, installée dans ce qui était à l’origine un couvent !
La rue des Ducs de Bar vaut aussi le coup d’œil, on voit la volonté de la commune et des habitants de préserver le patrimoine, car la pierre des façades est propre, les volets fraîchement repeints et les enseignes commerciales ont été harmonisées. On se plaît alors à marcher le nez en l’air pour admirer les fenêtres à croisée et les décors autour des fenêtres.

On a un joli point de vue sur l’ensemble de la ville basse depuis l’esplanade servant de cour au château qui abrite le Musée Barrois – là encore, il me faudra patienter encore un peu pour le découvrir. Vous redescendrez alors peut-être dans la ville basse par le petit chemin aménagé à flanc de collines (anciens remparts) ou alors par les escaliers dont le départ se fait au pied de l’imposante Tour de l’Horloge.
Un autre « spot » que j’adore, c’est la Rue du Baile : elle offre une jolie vue sur l’arrière de la ville haute. Quand j’ai publié la photo sur les réseaux sociaux, on m’a demandé si j’étais en Italie : Eh oui ! Sous cet angle, Bar-le-Duc a des airs de petite cité du centre ou du sud des Apennins, souvent perchées en haut des collines pour des raisons défensives.
Saint-Mihiel, entre Renaissance et Art Nouveau
Cette petite ville du centre de la Meuse arbore une architecture assez éclectique. Bombardée plusieurs fois pendant la première guerre mondiale, elle a été beaucoup reconstruite, mais il subsiste de nombreux édifices remarquables. On peut les découvrir grâce à un itinéraire balisé dans la ville (et dont le plan est téléchargeable en ligne). Testé et approuvé, même sous la pluie du mois de janvier !

J’ai démarré la balade au pied de l’imposante Abbaye Saint Michel, qui abrite, outre une église très lumineuse, une vaste bibliothèque bénédictine. Je n’ai bien sûr pas pu visiter cette dernière mais elle est placée tout en haut de ma liste des choses à faire lorsque les musées rouvriront ! Saint-Mihiel compte également de très belles maisons de la Renaissance, certaines ont même des gargouilles.
C’est également la ville qui a vu naître le sculpteur Ligier Richier, considéré comme l’un des plus renommés de son époque. L’artiste meusien sculpte des scènes religieuses avec une extrême précision qui ne laisse pas indifférent. Je vous en reparlerai sûrement !

Un autre courant artistique qui a laissé des traces en Meuse et plus généralement en Lorraine, est, come je vous le disais, l’Art Nouveau. La fin du XIXe siècle est à nouveau synonyme de prospérité pour cette région grâce à l’essor de l’industrie. L’Art Nouveau naît toutefois en opposition à la production industrielle, rationnelle et standardisée : il s’agit de réintroduire des formes courbes, des ornements, des couleurs. L’École de Nancy a été particulièrement influente et ce n’est donc pas un hasard de retrouver des témoignages de ce courant en Meuse.
Saint Mihiel offre de beaux exemples de l’architecture de cette époque. Le marché couvert du début du XXe siècle allie prouesse technique liée à l’utilisation d’une structure métallique (laissant libre un vaste espace central) et ornements en façade extérieur : des grappes de fruits et légumes qui rappellent la fonction de l’édifice. A proximité, les n°4 et n°9 de la Place du Saulcy témoignent aussi de l’architecture de cette époque. Le long de la grande rue principale, laissez-vous également surprendre par l’Hôtel du Cygne.


En vrac…
Côté Art Nouveau, j’ai aussi vu quelques beaux bâtiments du côté de Vaucouleurs – une ville marquée par le passage de Jeanne d’Arc en 1429 ! On en trouve aussi du côté de Commercy et de Lérouville, mais, je n’ai pas encore vérifié de mes propres yeux… à approfondir dès que possible.
Au détour de mes balades, j’ai aussi apprécié l’église de Rembercourt-aux-Pots, mêlant les styles (gothique flamboyant, Renaissance, et même une petite touche moderne sur la couverture restaurée dans les années 1930) – ou encore la Citadelle de Montmédy, tout au nord du Département.

La Meuse, une ruralité active
Pour finir, je dirais que la Meuse, c’est un département qui bouge…
A travers toute la France, entre le mois de décembre et le mois de janvier, des villes en dessous de 20 000 habitants ont été labellisée « Petites Villes de Demain » par le Ministère de la Cohésion des Territoires. Ce sont des communes qui vont bénéficier pendant 6 ans d’un accompagnement par l’État pour travailler sur leur revitalisation. Il y en a 9 en Meuse : Vaucouleurs, Commercy, Saint-Mihiel, ainsi que Revigny-sur-Ornain, Stenay, Montmédy, Bouligny, Etain et Ligny-en-Barrois !
C’est dans cette dernière que je vis et que je travaille. J’accompagne précisément les élus dans la construction et la mise en œuvre de leur stratégie de revitalisation. Et je suis plutôt confiante pour l’avenir de Ligny-en-Barrois : depuis mon arrivée en janvier, j’ai la chance de côtoyer des personnes heureuses de vivre dans la Meuse et qui s’engagent au quotidien pour essayer de lui bâtir un bel avenir.

Déjà, les élus ont pleins pleins pleins d’idées… il faut plutôt les canaliser que les pousser ! Mais ce sont aussi les particuliers qui sont actifs : trois commerces ont ouvert (ou vont ouvrir leur porte) en centre-ville en ce début d’année 2021 ; des artisans investissent dans des vieilles bâtisses en pierre pour leur redonner vie ; les gens entreprennent des travaux pour améliorer leurs habitations. J’ai aussi connu des personnes qui ont grandi en Meuse, sont parties pendant un moment et sont maintenant revenues.
Je n’ai pas du tout l’impression d’habiter dans un endroit « mort », un coin perdu. C’est même plutôt motivant de travailler dans un tel contexte. Les boutiques vides, les maisons qui se vendent pour un prix dérisoire, les friches industrielles en attente de reconversion, je les vois comme une multitude de possibilités. Ces espaces qui ont été autrefois parties intégrantes de la vie quotidienne et de l’économie locale sont en attente d’une nouvelle chance, d’un nouveau départ. Et quand je vois la place animée, le soir en sortant du travail, je me dis que les campagnes n’ont pas forcément besoin d’être repeuplées… il y a peut-être surtout besoin de donner à ceux qui veulent entreprendre les moyens de réaliser leurs projets, donner à ceux qui sont attachés à leur terre les conditions pour y rester et s’y épanouir.

Et vous, ça vous dirait de vivre en Meuse ?
Ou alors, quels sont les départements « ruraux » dans lesquels vous pourriez vous installer ?
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