Depuis la toute première fois où je suis allée en Basilicate, j’ai été fascinée par la beauté des paysages, par cette impression de « nature incontaminée », de montagnes restées loin de la main destructrice de l’Homme et de l’Industrie. En réalité, la « paume du pied » de la botte italienne, région habitée depuis des millénaires et dans laquelle on extrait aujourd’hui du pétrole (eh oui !) est loin d’être un eldorado. Mais en parcourant ses routes sans fin, en allant à la recherche de ses villes et villages cartes postales, comme Matera ou Pietrapertosa, on y respire comme un air de bout du monde, le genre d’endroit parfait pour rompre avec le quotidien et se retrouver avec soi-même.

Potenza et Matera, les deux « capitales »
La capitale régionale de la Basilicate est Potenza, mais la véritable capitale culturelle est Matera, surtout depuis que celle-ci a été élue Capitale Européenne de la Culture en 2019. Un événement qui a mis en lumière cette ville incroyable, pourtant longtemps considérée comme une « honte » nationale. Elle est connue principalement pour ses « sassi » : des collines sur lesquelles s’est construit le cœur de la ville, avec des maisons semi-troglodytes. Depuis le belvédère de la place Vittorio Veneto, on a une vue plongeante sur ce capharnaüm de petites maisons de pierres qui semblent bâties les unes sur les autres. L’architecture fait corps avec la terre – une idée que l’on retrouvera, vous verrez, dans plusieurs autres sites remarquables de la région.

Bien sûr, il s’agit d’une architecture vernaculaire, dans lequel vivait à l’origine une population pauvre. Pendant longtemps ces petites ruelles étaient associées à l’idée de misère ; on peut donc dire que la ville a fait un beau chemin pour en arriver jusque là, en moins d’un siècle.
Plusieurs belles églises ponctuent la promenade dans les ruelles de la vieille ville. Devant la Cathédrale de Matera, un autre panorama sur les sassi ravira les photographes en herbe (et confirmés !). L’église Santa Maria de Idris mérite aussi le détour, c’est une sorte de gros rocher aménagé. On peut aussi citer l’église de San Pietro Caveoso avec sa jolie place et sa vue sur la nature environnante.


Non loin de là, depuis la Via Madonna delle Virtù, il est possible de descendre par un petit chemin jusqu’à une rivière, le Torrente Gravina. En trois minutes, vous vous retrouverez au milieu de nulle part, entre les rochers et la végétation sauvage. C’est une chose qui m’avait beaucoup marquée lors de ma première visite de cette ville, en 2015. En descendant près du torrent, on devine de l’autre côté de la falaise plusieurs églises rupestres, les plus courageux pourront y grimper !
Mais avec tout ça, on en oublierait presque la « vraie » capitale de la Région, l’officielle, Potenza (littéralement « Puissance ») ! On peine à croire en s’y promenant qu’il s’agit bien du chef-lieu, car ce n’est ni plus ni moins qu’un gros bourg, mais qui a son charme, c’est vrai !


Le Musée archéologique de Potenza est selon moi une belle entrée en matière pour ceux qui souhaiteraient explorer l’histoire antique de la Basilicate. Grecque puis romaine, c’est une région qui ne manque en effet pas de sites archéologiques. Le musée présente, par aire géographique, les différentes civilisations qui s’y sont établies. C’est clair, synthétique, tout parfait pour les gens qui comme moi n’aiment pas passer des heures dans les musées !
Pour le reste, le centre historique de Potenza est tout en longueur, organisé autour du corso, traditionnelle rue commerçante des villes italiennes, ponctué ici de jolies places qui forment comme des respirations et appellent à s’arrêter un instant en terrasse, comme la Piazza Mario Pagano et la Piazza Duca della Verdura. La cathédrale de Potenza est quant à elle un peu en retrait, pas loin du Musée. Sobre, elle arbore pourtant un air un brin monumental avec son parvis d’escaliers en arc-de-cercle.

La Basilicate, c’est aussi deux mers !
Après la visite de Potenza et la découverte de l’importante histoire antique de la Basilicate, vous vous dirigerez peut-être vers l’ancienne colonie grecque Métaponto. On peut en effet admirer les vestiges retrouvés dans son parc archéologique et pourquoi pas piquer une petite tête ensuite dans la mer ionienne ?
La Basilicate (aussi appelée Lucanie) est bordée par deux côtes. Au sud, le littoral plat de la mer ionienne, et à l’ouest, les côtes rocheuses de la mer tyrrhénienne. Deux « versions » de la mer Méditerranée, à choisir selon votre envie de baignade du moment. Perso, j’adore l’une comme l’autre !

Si vous optez pour la côte ouest, je vous conseille la visite de Maratea. C’est un village coloré, avec au sol de larges pavés noirs qui m’ont rappelé Naples. On se balade avec plaisir dans les ruelles, l’œil attrapé ça-et-là par les boutiques d’artisanat ou de souvenirs. Tout en haut de la ville trône un Christ Rédempteur (oui oui, comme au Brésil) avec une vue panoramique sur la côte.
Pour se baigner dans les environs, il y a l’embarras du choix. Avec une amie nous étions allée à Cala Jannita, aussi appelée Spiaggia Nera car c’est une plage de sable noir. Le parking est payant, 5 euros de mémoire mais l’endroit est vraiment très original. Au mois de juillet, c’était très calme et comme la plage est entourée de falaises, on se sentait carrément hors du monde.


Les villages de Basilicate, une somme de petits trésors cachés
On se sent un peu aventurier, un peu Indiana Jones, quand on roule en Basilicate ! Il y a bien des grandes routes – la Bradanica, la Basentana, la Jonica – mais elles ne nous amènent jamais directement à bon port. Alors on prend une sortie avec une pancarte défraîchie et on suit son GPS ou son instinct, en espérant arriver quelque part… Puis là, alors que vous commencez à perdre patience avec tous ces virages en épingle, surprise, une petite pépite est sous vos yeux. Dépaysement garanti ! (Mais quel courage pour ceux qui y habitent toute l’année !)
Pietrapertosa
Je vous ai dit un peu plus haut que l’on retrouve souvent, en Basilicate, des villages dans lesquels l’architecture semble faire corps avec la nature qui l’accueille. C’est le cas de Pietrapertosa ! Situé dans le parc des « Petites Dolomites Lucaniennes », ce village est comme greffé sur sa montagne. Après avoir vu moult photos sur les réseaux sociaux, j’y suis allée en septembre.


On se gare en haut du village et en descendant vers le centre, on passe par plusieurs terrasses où il est agréable de s’arrêter pour contempler la vue. Les maisons beiges, les toits d’un même rouge pâle et les roches grises forment un ensemble harmonieux, rien (ou presque) ne vient troubler cette beauté.
Le massif montagneux porte le nom de « Dolomites lucaniennes », car ces rochers pointus rappellent les « vraies » Dolomites du nord du pays. C’est un petit massif, une petite curiosité géologique qui tranche avec le paysage autour, plus doux dans ses formes.

On peut déambuler un moment dans le dédale de ruelles. Dans le quartier de l’arabata, les escaliers sont mi-construits, mi-sculptés dans la roche. Les plus courageux grimperont jusqu’au château, une fortification haut perchée. Il existe aussi une tyrolienne géante entre Pietrapertosa et la commune voisine de Castelmezzano, où vous pouvez vous lancer dans le vide à 1000m d’altitude ! Je n’ai pas testé mais ça doit être une sacrée expérience !
Aliano et alianello
Un autre village que j’avais hâte de visiter était Aliano. C’est le village dans lequel l’écrivain et homme politique Carlo Levi a été exilé au début des années 30, alors qu’il était considéré comme un opposant politique. Il raconte son expérience dans le livre Le Christ s’est arrêté à Eboli. C’est en le lisant que je me suis dit qu’il fallait absolument que j’y aille. Ce sera l’objet d’un article plus détaillé car il y a beaucoup de choses à dire !

Le village, pas très animé, vivote grâce au tourisme généré par le livre de Carlo Levi. Plusieurs places et rues s’ouvrent sur le paysage environnant, et on découvre là une autre curiosité géologique de la Lucanie : les calanques d’Aliano. Une touriste bolognaise croisée là-bas m’a dit « On dirait la Cappadoce en Turquie. Je voulais y aller en vacances, mais finalement pas besoin, on a déjà tout ça ici dans notre pays ».
Comme pour les Dolomites lucaniennes, c’est un tout petit massif montagneux qui se développe entre trois ou quatre communes, fait de sortes de dunes claires, parsemées de végétation sauvage. On peut s’aventurer en voiture au milieu du « Parco dei Calanchi », la route est belle et goudronnée. Plusieurs circuits de randonnée existent et sont répertoriés sur [ce] site. Il faut absolument télécharger la trace GPS car ce n’est quasiment pas balisé.



J’ai fait seule la boucle de 40 min, baptisée « Don Luigino » du nom d’un des personnages du livre Le Christ s’est arrêté à Eboli. J’avoue avoir eu quelques frayeurs… J’étais absolument seule au monde, dans ce paysage impressionnant avec ses dunes « solides » mais en même temps « friables », un sol plein de crevasses et des empreintes d’animaux qui ne me disaient rien qui vaille ! La matière des calanques est en effet très particulière, quand on touche une dune, on peut facilement enlever un petit morceau… rassurant n’est-ce pas ?

Un petit kiff de ma visite à Aliano a été la visite du hameau fantôme d’Alianello, en contrebas du village. Sans doute abandonné à la suite du séisme de 1980, il se développe dans un virage en épingle. Armoires et frigos entr’ouverts, portes qui claquent, graffitis, faïences vintage des salles de bain éventrées, un vrai paradis pour les amateurs d’urbex !

Autour du Mont Vulture
J’ai beaucoup aimé découvrir la partie nord-est de la Basilicate, à la frontière avec les Pouilles et la Campanie. Déjà au détour de certaines routes d’Irpinia, j’avais remarqué cette montagne en dents de scie, qui trônait fièrement au loin, et je savais que tôt ou tard j’irais voir de plus près.
Cette montagne est en fait un volcan éteint, le Mont Vulture, tristement célèbre en Italie pour avoir donné son nom au tremblement de terre du 23 juillet 1930, dont il était l’épicentre. Je ne m’y suis pas encore aventuré mais j’ai visité plusieurs des villes et villages qui l’entourent.

Melfi
Melfi est une ville active, une centralité dans le territoire. Une grande usine Fiat y est implantée et donne du travail à tout un bassin de vie. Elle est coiffée d’un château fort aux multiples influences architecturales même s’il est à l’origine normand. Il a été la résidence de Federico II, eh oui, la Basilicate plaît même aux rois ! Imposant, on peut visiter une partie du château car il accueille le Musée archéologique et des expositions temporaires. C’est aussi un beau point de vue sur la ville.


A voir également, la Cathédrale de Melfi et sa place lumineuse, sur laquelle il est agréable de prendre un café. A l’intérieur du Duomo, on peut voir une représentation de la Cène, avec une Marie-Madeleine lovée contre Jésus. Original ! Un ensemble de monuments, comme la Porta Calcinaia ou la Porta Venosina, ou encore la Fontana del Bagno vous conduiront à explorer les rues de la ville pour une balade agréable (comptez quand même une demi-journée pour bien tout voir). J’ai beaucoup aimé les statues qui ponctuent le centre-ville et qui représentent des enfants jouant à différents jeux traditionnels (colin-maillard, saute-mouton…).

Venosa
Venosa mérite bien aussi au moins une demi-journée d’exploration. La ville n’a étonnamment pas de dénivelé, vos jambes vous remercieront. Située à une vingtaine de kilomètres de Melfi, elle a aussi son château-fort, au centre-ville, qui accueille un Musée archéologique. La place devant le château est bordée de palazzi avec des arcades et des terrasses.
Cette ville m’a fait beaucoup pensé à Potenza, car la Via Vittorio Emanuele II, bordée à mi-parcours par une grande place, ressemble beaucoup au corso de la capitale de région que je vous ai décrit plus haut.


Venosa est la a ville natale du poète latin Horace, qu’il décrit en partie dans ces textes. On peut en lire certains extraits dans des encarts disposés ça-et-là sur les bâtiments. Non loin de la place qui porte son nom (Orazio Flacco), on peut admirer le portique d’entrée de la maison où il vivait (Casa d’Orazio).
Enfin, ce qu’il ne faut pas manquer à Venosa c’est son parc archéologique. On y découvre un cardo, les restes de quelques domus et d’anciens thermes. Les explications sont claires et on se repère bien dans ce plan urbain. Mais surtout, clou du spectacle, le site abrite aussi une église inachevée, « l’Incompiuta di Venosa ». Ce qui rend le lieu assez étonnant !



Il y a bien une église achevée, dédiée à la Santissima Trinità, mais l’abbaye qui aurait du être réalisée tout autour n’a jamais été terminée. L’ensemble a été construit entre le XIe et le XIIe siècle. Les moines bénédictins qui étaient à l’origine du projet d’agrandissement ont du quitter la ville suite à la suppression de leur Ordre par le pape Boniface VIII, laissant le site ainsi.
Ce qui parvenu jusqu’à nous est plutôt surprenant, notamment car beaucoup d’éléments de constructions ont été réemployés : les constructeurs sont allés se servir sur d’autres monuments afin de trouver de quoi ériger les murs du nouveau complexe religieux. On y trouve des blocs issus des édifices de la Venosa antique, notamment de son amphithéâtre situé à quelques dizaines de mètres de l’église. C’est ainsi qu’on peut voir, dans un bras du transept, deux pierres portant une longue liste de noms des gladiateurs ayant combattu à Venosa – pas tout à fait le genre de choses qu’on s’attend à trouver dans une église !

Si les alentours du Vulture vous plaisent, continuez le voyage jusqu’à San Fele, ce village perché qui semble jouer à cache-cache avec les montagnes. Le petit bourg est très mignon et il y a également de jolies cascades. Le site n’est en revanche pas très bien entretenu, donc faire attention si vous y allez avec des enfants.
Vous connaissiez la Basilicate ? Quels sont vos spots préférés ?
Quels lieux vous donnent envie d’y aller ou d’y retourner ?
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