Besançon, petit bijou d’architecture franc-comtois

Pendant très longtemps, Besançon était pour moi la ville dans laquelle, quelques fois par an, nous allions avec mes parents faire les magasins, en particulier pour les fournitures scolaires (ce moment exaltant !), dans l’hypermarché Géant avec pause déjeuner à la Croissanterie. La seule vision de la ville que j’avais était donc une traversée rapide en voiture par les grands axes, longeant tout de même la citadelle, jusqu’à la zone commerciale de Châteaufarine. Ce n’est que depuis quelques années que j’ai commencé à fréquenter le centre-ville, et en 2020, j’ai voulu jouer les guides pour des amis – ce qui m’a obligé à approfondir ma connaissance de cette petite cité franc-comtoise !

Mieux que Pompeii (ou presque), Vesontio !

De nombreuses fouilles archéologiques attestent de la présence d’une ville ici dès l’Antiquité. Le Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie, situé sur la place de la Révolution, permet d’en apprendre plus sur cette période et peut être une bonne entrée en matière avant de déambuler dans les rues à la recherche des vestiges parvenus jusqu’à nous.

La Grande Rue correspond au cardo de la ville romaine – si vous y passez, pensez un instant que vous marchez là où il y a plus de 2000 ans vos ancêtres marchaient déjà ! En parcourant cette rue vers le sud, on arrive jusqu’au Square Castan, qui correspond à une construction semi-circulaire dont on suppose qu’elle était le théâtre antique de Vesontio. A côté se dresse la Porte Noire (qui n’est plus noire depuis sa restauration il y a quelques années), qui n’était pas à l’origine une porte de la ville mais plutôt un arc de triomphe trônant fièrement au centre d’une place. Vesontio comptait même des arènes, dont il reste quelques vestiges au nord-ouest du centre historique. On estime qu’elles pouvaient accueillir environ 20000 spectateurs, ce qui les érige au rang de celles d’Arles et Nîmes, eh oui ! Rien que ça !

La Porte Noire restaurée, et l’entrée de la Cathédrale Saint Jean derrière.

Le Musée des Beaux-Arts, outre sa collection archéologique, comporte comme son nom l’indique une importante collection d’œuvres d’art de toutes les époques, dans un édifice réhabilité et inauguré fin 2018 (par Monsieur le Président Macron en personne, s’il vous plaît !).  Les intérieurs au style contemporain, avec leurs parois de béton brut, peuvent dérouter un peu mais cela offre un contraste original avec les tableaux et sculptures exposés. On peut y admirer des toiles de Gustave Courbet, célèbre peintre de la région, mais aussi de grands noms comme Goya et Félix Valloton ; on trouve même quelques sculptures de Rodin !

La Grande Rue et ses monuments

A proximité de la Porte Noire est érigée la Cathédrale Saint-Jean (dans laquelle j’assiste, depuis plusieurs années, à la veillée de Noël !). Ses origines remontent vraisemblablement au Xe siècle, en tant que cathédrale carolingienne, mais l’édifice tel qu’il nous apparaît aujourd’hui date du XIIe  siècle, et a été successivement remanié jusqu’au XVIIIe siècle. La Cathédrale comporte donc des parties romanes, gothiques et baroques, en un tout relativement harmonisé. Une particularité est la présence de deux chevets (absides) à chaque extrémité de la nef, ce qui est plutôt rare et est probablement hérité du plan de l’église originelle du Xe siècle. On peut aussi admirer, à l’intérieur, le tableau de la Vierge aux Saints (1512), réalisé par le peintre toscan Fra Bartolomeo et une horloge astronomique, actuellement fermée au public, chef-d’œuvre d’horlogerie de 30 000 pièces qui animent un important mécanisme et, en particulier, les cadrans situés sur chacun des quatre côtés du clocher.

Intérieur de la Cathédrale Saint Jean.

Quelques centaines de mètres plus bas,  il est également possible de s’arrêter visiter la Maison natale de Victor Hugo. Une courte exposition retrace sa vie et revient sur son caractère engagé, car oui, l’écrivain célèbre est né dans la capitale franc-comtoise, même s’il n’y a passé que quelques années.

A ne pas manquer, ensuite, le Musée du Temps, car il ne faut pas oublier que le Doubs est l’un des berceaux de l’horlogerie ! Dans les salles, vous pourrez vous émerveiller devant des mécanismes horlogers et des pendules toutes plus originales et extravagantes les unes que les autres. Je l’ai visité il y a longtemps mais j’en garde un très bon souvenir. Si vous n’avez pas le temps, entrez au moins dans la cour de l’édifice, avec ses jolies arcades.  Vous remarquerez que, comme la plupart des édifices du centre de Besançon, il est construit avec cette pierre surprenante, mêlant des teintes bleues et ocre. Il s’agit de la pierre de Chailluz, du nom de la forêt dans laquelle elle était extraite à proximité de la capitale franc-comtoise. L’emploi de cette pierre a été généralisé et imposé au XVIe siècle alors que de fréquents incendies détruisent les habitations du centre-ville, faites majoritairement de bois à l’époque. Cette obligation donne aujourd’hui aux façades bisontines leur singularité et une harmonie parfaite !

La pierre de Chailluz, sur la façade du musée du Temps

Impossible enfin de manquer le bel hôtel de ville sur la place du 8 septembre. Il a été construit en 1393 puis remanié au XVIe siècle. Sa façade à bossages (c’est-à-dire avec les pierres saillantes, en relief) s’inspire de la Renaissance italienne. La niche dans la façade, qui accueille aujourd’hui une fontaine, contenait jusqu’à la Révolution française une statue de Charles Quint. Mais en effet, à ce moment-là, les symboles de la monarchie n’avaient plus vraiment la côte et ont généralement disparus, détruits ou vandalisés. L’hôtel de ville est fraîchement rénové suite à un incendie criminel en 2015. Il accueille l’office de tourisme, ce qui donne l’occasion de pouvoir jeter un œil à l’intérieur !

Des architectes ambitieux sont passés par là …

Plus surprenant est, à quelques rues de là, le théâtre Ledoux. Pour comprendre le pourquoi du comment de cette architecture néo-classique plantée ici, il faut d’abord comprendre qui est son architecte. Claude-Nicolas Ledoux, né en 1736, est nommé en 1774 architecte du Roi. Il est connu en Franche-Comté pour ses salines d’Arc-et-Senans (et si vous connaissez, vous remarquerez un petit air de ressemblance avec le théâtre !). Mais il est aussi un homme des Lumières, utopiste, connu dans le milieu des architectes pour ses projets de cité idéale (non réalisés mais dont il existe de nombreux dessins et maquettes) où les fonctions-clés sont accueillies dans des édifices monumentaux, et où la géométrie et le travail sur les formes (comme la sphère) occupent une place capitale. C’est comme si l’organisation parfaite d’une société ne pouvait pas avoir lieu sans une perfection de la composition architecturale, ce qui le conduit à remobiliser les enseignements de l’architecture antique. Claude-Nicolas Ledoux s’inspire à ce sujet du travail de l’architecte italien de la Renaissance, Andrea Palladio. Voilà pour les aspects biographiques ! L’architecte humaniste propose donc en 1775 aux administrateurs de la ville de Besançon, son projet de théâtre, qui est vite approuvé. La construction démarre en 1778, encadrée par un architecte local du nom de Claude-Joseph-Alexandre Bertrand. Le théâtre de Besançon est inauguré en 1784 et obtiendra dès ses débuts un franc succès. La célèbre actrice Sarah Bernhardt s’y est même produite à la fin du XIXe siècle. Il ne reste toutefois aujourd’hui de l’aspect originel du théâtre plus que son enveloppe, et même pourrait-on dire, plus que la façade principale, car le plan en croix latine est devenu un plan carré lors des remaniements de l’édifice au XIXe siècle. Puis, un incendie en 1958 a détruit tout l’intérieur du théâtre. Mais la composition de la façade bordant la rue Mégevand, avec son fronton et sa colonnade, continue heureusement d’être le témoin du passage de cet architecte si inspirant dans la capitale franc-comtoise !

Le Théâtre Ledoux, rue Mégevand

Enfin, impossible de parler d’architecture à Besançon sans mentionner la Citadelle ! Elle est l’une des forteresses projetées par le Marquis de Vauban, inscrite au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Ingénieur, architecte, expert en stratégies militaires, Vauban est un proche du roi Louis XIV et il imagine, pour protéger la France des invasions extérieures, entourer le territoire de forteresses imprenables. Une « ceinture de fer » dont Besançon était l’un des maillons – d’ailleurs, vous remarquerez que toutes les citadelles Vauban sont proches des frontières de notre pays. La citadelle de Besançon surplombe le centre-ville, on peut y accéder à pied (pour les plus courageux), en voiture ou encore par bus ; elle accueille aujourd’hui un zoo (plutôt controversé par les défenseurs de la cause animale), mais également le Musée de la Résistance et de la Déportation, ainsi que le Musée Comtois, retraçant tous deux des pans de l’histoire régionale !

La boucle du Doubs

Savez-vous, enfin, que Besançon était auparavant nommée Besançon-les-Bains ? Oui, nous sommes bien dans une ville d’eau… comme en témoigne la boucle du Doubs qui entoure le centre historique.  Il est agréable, d’ailleurs, de se promener au bord de la rivière. Depuis le théâtre Ledoux, par exemple, dirigez-vous plein sud et vous arriverez dans un vaste parc, derrière les anciens remparts. En partant sur la droite, on remonte le cours du Doubs jusqu’à arriver au Parc de la Gare d’eau, et il est possible de prolonger la promenade jusqu’à revenir au centre-ville, vers le Pont Battant.

Le Doubs et la Citadelle au fond.

En traversant le pont, on arrive dans le quartier du même nom : Battant. L’imposante église de la Madeleine vous attend, sagement rangée sur le côté.  Si elle a d’abord été gothique, elle est profondément restaurée et remaniée au XVIIIe siècle, pour arborer un style classique. Elle accueille un orgue remarquable qui est classé aux Monuments Historiques. Le quartier Battant compte également une très jolie synagogue. Cette architecture mauresque surprend mais mérite qu’on s’y arrête un instant pour admirer les nombreux symboles et ornements de ses façades – elle n’est toutefois généralement pas ouverte au public. Depuis Battant, on bénéficie également d’un bon point de vue sur les arcades des immeubles bordant le Doubs, de l’autre côté de la rivière.

Pour terminer en beauté la visite de Besançon, concédez-vous un petit verre à l’Embuscade, sur la place de la Révolution, ou alors, pour les plus gourmands, un sandwich à Big Ban (il y en a même à la saucisse de Morteau !).

Et vous, vous êtes déjà passés Besançon ? Quels souvenirs en gardez-vous ?
Ou si non, qu’aimeriez-vous y faire ?

Références

https://fr.wikipedia.org/wiki/H%C3%B4tel_de_ville_de_Besan%C3%A7on

https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89glise_Sainte-Madeleine_de_Besan%C3%A7on

http://www.citadelle.com/fr/

https://www.cathedrale-besancon.fr/cathedrale.html

http://www.horloge-astronomique-besancon.fr/Explorer/Histoire-du-monument

https://www.persee.fr/doc/bsnaf_0081-1181_2012_num_2006_1_11035

2 réponses à « Besançon, petit bijou d’architecture franc-comtois »

  1. […] leurs aventures ferroviaires, en espérant pouvoir programmer un jour un Paris – Montella ou un Besançon – Calitri tout en train, pour une fête de la Châtaigne ou un prochain Sponz […]

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  2. […] l’objet de prochains articles. En attendant, je vous conseille aussi mon article sur Besançon […]

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